Rien de mieux qu’un album qui s’appelle Distance over Time pour faire une chronique plusieurs mois après sa sortie. Par ailleurs il a toujours été prouvé qu’un avis sur un album de Dream Theater pouvait changer avec le temps : combien d’entre vous ont détesté Falling Into Infinity avant d’y revenir plusieurs années après.
C’est notre petit nouveau dans l’équipe qui s’est chargé de cette chronique. Alors d’accord ou pas d’accord avec lui ? Soyez indulgents, c’est son premier article 😉
Qu’est Dream Theater en 2019 ? Peut-on encore parler des maîtres du métal progressif tandis que certains disent que nombre de leurs élèves les ont dépassés ? Peut-on même encore parler de progressif tant l’expérimentation musicale semble bien loin depuis Systematic Chaos et puisque tous les albums ont suivi la règle du «Classic DT album». Oui The Astonishing était un retour à l’expérimentation dans le concept de l’album, la structure, l’univers, la tournée etc … mais musicalement parlant ? Rien de neuf sous le soleil puisqu’il était un calque de l’album éponyme sorti 2 ans plus tôt. Mais que l’on soit clair, si The Astonishing a divisé les foules, cet album restera beaucoup plus marquant dans la discographie du groupe que Distance Over Time.
Après cette introduction choc, ne vous inquiétez pas, cette chronique n’a pas pour but de descendre cette cuvée 2019, ni le groupe. Mais il faut savoir être réaliste, être fan de Dream Theater depuis plusieurs années, ce n’est pas chose aisée. Les fans de progressif n’ont plus beaucoup de surprises, les gros métalleux ont bien du mal avec les refrains mièvres, tandis que les adeptes de rock eux trouvent que le groupe est bien trop dans le territoire du métal. Et ne parlons pas de l’éternel débat Portnoy/Mangini. Après le fiasco The Astonishing, quelle est donc la solution pour renouer avec le succès et reprendre sa couronne de maître absolu du métal progressif ? Refaire un «Classic DT album» Pardi ! Donc niveau prise de risque on repassera, mais au moins on s’assure de ne plus froisser une partie de chaque clan, et de contenter tout le monde. Et cette fois on implique tout le monde dans le processus créatif, même Mike Mangini qui n’en peut plus de subir la comparaison avec son prédécesseur. Mike Portnoy composait et écrivait des paroles ? Très bien, Mike Mangini va aussi le faire.
Dream Theater livre avec Distance Over Time tout ce qui a fait une partie de sa renommée avec le parti pris de raccourcir la longueur des morceaux et la durée de l’album en général. En résulte des morceaux aux structures simple, mais laissant place à quelques passages instrumentaux et soli toujours aussi impressionnants de Rudess et Petrucci.
Le morceau le plus réussi à ce niveau est certainement « Fall Into The Light » qui propose toute la variété dont le groupe est capable. Débutant avec un riff ravageur enchaînant sur un refrain entêtant, puis ralentissant le tempo avec un passage acoustique sur une magnifique mélodie à la guitare qui s’électrise, pour monter en puissance, jusqu’à la fameuse accélération où Jordan Rudess expose tout son talent, pour finir sur un solo final de Petrucci explosif. Un morceau à l’éclectisme grisant, qui, même si la comparaison avec Metallica est inévitable, rend déjà parfaitement en live.
Dans le même style, « Pale Blue Dot » propose à l’auditeur un voyage stellaire basé sur un riff qu’aurait pu pondre Gojira. L’ambiance science-fiction rappelle « In The Presence of Enemies », avec un refrain sombre parfaitement interprété par James Labrie. Le reste du morceau est un assemblage de passages où tous les membres brillent d’ingéniosité et technicité. Du classique selon certains, mais très efficace. Ne dépassant pas la dizaine de minute, on regrette qu’il n’aille pas plus loin en durée pour devenir ce qu’on appelle un véritable epic.
« At Wit’s End » pourrait être le rejeton de Six Degrees of Inner Turbulence avec son riff calqué sur « The Test That Stumped Them All« . Mêlant heavy et mélodie, ce morceau est certainement l’un des meilleurs de l’album avec une palette d’ambiance variée et un solo de guitare qui rappelle les meilleurs heures de Petrucci. Il se paye même le luxe d’une fin originale avec un fade out sur le solo final, un silence de 15 secondes et un retour avec des sons de cloches. Étrange et inutile pour certains, géniale pour d’autres, cette fin a le mérite de dérouter et d’offrir une respiration dans l’album global.
« Bartsool Warrior » renoue avec le son des années 80 pour ce qui semble partir en morceau progressif à la Rush pour en fait être une power ballade non dénuée d’intérêt. Le solo de Petrucci est encore une fois magnifique et mélodique, dans la même veine que « The Best of Times ».
Si Mike Mangini a posé sa patte sur la composition des morceaux, c’est sur « Room 137 » où il se taille la part du lion. En plus d’une rythmique taillée pour jammer en tout sens, Mangini signe ici ses premières paroles. Un événement tout de même ! Avec son pont bluesy, ses expérimentations sur la voix de LaBrie et son ambiance particulièrement sombre, le morceau est une petite curiosité au sein de l’album, sans toutefois en être un point d’orgue.
Ce qui est un peu le même constat pour « S2N » qui est le morceau pour John Myung. Son groove au rythme effréné fait plaisir à voir (ou entendre) avec la basse qui vole dans tout les sens et un LaBrie au débit ultra rapide. On se croirait presque revenu à « 6:00 » de Awake! Le gros point noir est cependant son refrain trop mièvre et lent qui arrive comme un cheveu sur la soupe et qui dénote le reste plus dynamique. Le morceau termine sur un solo identique à celui qui clôturait « The Dark Eternal Night« , une fin dispensable donc.
On termine avec les trois morceaux restant parmi les plus faibles. Le morceau d’introduction « Untethered Angel » rappelle « The Enemy Inside » ou « On the Back of Angels », avec plus de dynamisme, sans être vraiment très intéressant. Un bon moyen de commencer l’album et/ou de présenter le groupe à des personnes ne connaissant pas le groupe, mais totalement oubliable pour les auditeurs exigeants. « Paralysed » est une énième tentative pour le groupe de lorgner du côté du néo métal sans grand génie rappelant « Forsaken » avec un refrain plat au possible et un pont sympathique mais oubliable. « Out of Reach » malgré son beau solo au milieu, est d’un classicisme affligeant du même niveau qu’un « Wither ou « This Is The Life » . Dans l’album, ils permettent une sorte de pause, et ont leur place dans le rythme global. Cependant si vous écoutez les morceaux à part, ils sont sans intérêt.
Oui vous l’aurez compris, le listing des morceaux a été fait dans l’ordre décroissant de qualité. Chaque morceau peut être écouté indépendamment les uns des autres. On est plus sur une sorte d’enchaînement de morceaux typiques de DT que d’un véritable album. Un choix assumé par le groupe, tout comme le son. Même s’il est bien meilleur que sur les deux précédents albums, il reste froid, rigide, et pensé pour passer sur des enceintes de téléphone portable. Le filtre sur la voix de James LaBrie peut choquer, mais il se veut être dans la lignée moderne du son de l’album. Et avouons le, notre chanteur fétiche a plus de mal dans les aigus que par le passé, c’est même à se demander pourquoi le groupe compose des parties si hautes alors que tout le monde sait qu’il n’y arrivera pas en live.
Un autre point important est que la majorité des morceaux renvoient à un autre morceau passé du groupe. Cette auto-citation permanente donne à Distance Over Time un désagréable sentiment de déjà-vu. Cependant cet album n’est pas à oublier, il possède plusieurs morceaux d’un niveau tout à fait correct, et prouve que le combo américain a encore quelques surprises sous son chapeau, surtout après l’intégration totale de Mike Mangini qui n’est plus un simple exécutant.
Ce qui nous ramène à notre question en début de chronique : Qu’est Dream Theater en 2019 ? La réponse peut sembler dure, surtout pour celui qui écrit ces lignes et qui aime d’amour ce groupe. DT est un ancien maître toujours en vie, mais qui n’a plus grand-chose à apprendre à la prochaine génération. Cependant, il reste une valeur sûre dans son style qu’il a lui même créé, et tant qu’il continuera à nous offrir ces petits moments de frissons comme il en est encore capable, son public sera toujours là. Non plus comme des élèves, mais comme des enfants veillant sur leur père vieillissant qui a un peu tendance à radoter, mais dont les histoires fonctionnent toujours. Et tant qu’il sera toujours en vie, nous seront là pour en prendre soin, car, un monde sans Dream Theater, ce serait un monde bien triste.
Chronique de Clément Zed
Classement des albums de notre nouveau chroniqueur :
Très bonne chronique, pragmatique et sensée. Je partage assez les avis sur les morceaux. C’est sympa c’est pas mauvais mais rien de neuf sous le soleil majesty, et ça n’atteint pas les heures de gloire. Dommage qu’il n’y ait pas un petit avis sur viper king, que je trouve personnellement rafraîchissante et bien groovy (j’aimerais bien l’entendre en live).
PS : Attention aux fautes de français 😜