[Chronique] Distance over Time par wizard

Et oui encore une chronique de Distance over Time plus d’un mois après sa sortie. Sa particularité est qu’elle a été écrite par un membre émérite du fan club : « wizard » qui est non-voyant. Sa perception de l’album est donc différente de la notre et forcément intéressante. Il en résulte une critique très pointue avec quand même des éléments positifs. Bonne lecture ! On vous rappelle que, si vous aussi, vous voulez nous faire une chronique de « Distance over Time », on est preneur !

Un nouvel album de Dream Theater est toujours très attendu par les admirateurs du groupe, et celui-ci d’autant plus, après l’échec du précédent et ambitieux concept album « The Astonishing ».

John Petrucci avait annoncé un album « très métal », « brut et plein d’énergie ». C’est précisément ce qui transparaît dès la première écoute du disque. L’atmosphère est à l’opposé de l’album précédent.

1. Points faibles :

Concernant la musique :

– La guitare tient une place prépondérante dans ce disque, mais est beaucoup trop mise en avant, au détriment des claviers. Cela est sans doute une réponse du groupe, aux critiques trop sévères, qu’il avait reçues après la sortie de « The Astonishing » ;

– Avec ce nouvel opus, la musique de Dream Theater prend un tournant, en proposant un son de guitare plus musclé, proche de celui des années 2000, mais qui, selon moi, ne correspond pas à l’identité du groupe ;

– Un riff de guitare trop saccadé, dans les couplets de « Room 137 », qui pour moi, ne va pas à Dream Theater ;

– Une section guitare-basse-batterie, avec, là aussi, un accompagnement trop saccadé, qui gâche la superbe mélodie vocale et les nappes de clavier, dans la dernière partie de « At wit’s end » : « Something’s missing, You see darkness in my eyes » ;

– Des duels guitare-clavier, construits sur des parties très rapides, et déjà entendus ;

– Des soli de clavier insupportables, à la fin de « S2N » et dans « At Wit’s End » ;

– Un orgue Hammond HK5 trop trafiqué : introduction et solo de « Untethered Angel », solo de « Fall into the Light », introduction de « At Wit’s End » ;

– Une batterie trop souvent calquée sur les riffs de guitare, qui ne s’aventure jamais à contre-temps des autres instrumentistes, et qui manque totalement de finesse, avec ces rythmes tapageurs sur les toms, dans le deuxième couplet de « Out of Reach » ;

– Des progressions d’accords banales, dans les refrains de « Paralyzed » et de « Out of Reach » ;

– Trop d’effets sur la voix ;

– Un manque cruel de nuances et de respirations.

Concernant la composition des morceaux :

A. Dream Theater commence à s’autoplagier, et ces parties alourdissent les morceaux, qui manquent souvent de cohérence :

– Dans « Untethered angel », le passage instrumental, précédant le solo de guitare, rappelle « Outcry » ;

– Dans la deuxième partie de « Barstool warrior », lorsqu’arrive le piano, et aussi par cette façon de ne pas revenir au refrain, pour conclure le morceau, cela rappelle trop « The bigger picture » ;

– La dernière partie de « S2N » est inutile et rappelle trop la fin de « The dark eternal night » ;

– Dans l’introduction de « At wit’s end », le riff de guitare rappelle celui de « The test that stumped them all », même s’il diffère de quelques notes, et même si les subdivisions rythmiques sont différentes ;

– Dans le passage instrumental de ce morceau, la progression d’accords et le solo de guitare, avec sa gamme par tons, rappellent « Endless sacrifice » ;

– Dans l’introduction de « Pale blue dot », les deux premiers accords de clavier rappellent ceux de « Outcry » et de « Dystopian overture » ;

– Dans la partie instrumentale de ce morceau, certaines progressions d’accords ou certains riffs nous ramènent à « The dance of eternity » et à « The dark eternal night », même si ces passages très techniques et délirants ne sont jamais lassants ;

B. Cet album propose des morceaux passables : « Untethered angel » et « Room 137 ».

C. Les morceaux nous offrent :

– Des transitions hasardeuses, comme l’apparition du refrain, dans « S2N », qui arrive, à chaque fois, de manière trop brutale, ou celle, dans « Pale blue dot », entre la fin du second couplet et le début du passage instrumental ;

– Des fins de morceaux : « Untethered angel » et « Fall into the light », avec des parties descendantes, à la guitare et à la batterie, déjà entendues ;

– Une fausse fin, dans « At wit’s end », avec une fin réelle, qui estompe la beauté de la dernière partie du morceau, et qui n’a aucun sens.

D. La plupart des lignes de chant sont très pauvres :

– Certaines s’accordent avec la musique, mais recèlent des enchaînements de notes trop rapprochés : premiers couplets de « Untethered angel », de « Fall into the light » et de « Barstool warrior », couplets de « Out of reach » et de « Viper king » ;

– D’autres suivent beaucoup trop la musique : couplets de « Room 137 », premier couplet et deuxième partie du second couplet de « S2N » ;

– D’autres sont inintéressantes : celle, pleurnicharde, dans le refrain de « At wit’s end » : « Don’t leave me now », celle de la seconde partie du second couplet de ce morceau : « Deafening, deafening, Shut it out, shut it out », celle des couplets de « Paralyzed » et celle du refrain de « Viper king ».

E. Les structures sont trop prévisibles, et manquent cruellement, contrairement à « The Astonishing », de développements inattendus.

F. Grâce au changement de label, Dream Theater a incontestablement pris un tournant commercial, car ses membres nous gratifient de trois morceaux, presque raté, « Paralyzed », ou totalement raté : les mélodies vocales sucrées, faisant penser à Bryan Adams et à Bon Jovi, apparues avec « Wither » et « Along for the ride », resurgissent à nouveau, avec « Out of reach » et son chant, d’une mièvrerie insupportable, et sa structure bancale : deux couplets, un refrain et une conclusion, dans laquelle le sommet de la mièvrerie est atteint, avec ses « ah » et ses « ouh » mielleux. Ces deux morceaux sont indignes de la réputation du groupe. Avec ces titres, Dream Theater pourra aisément prétendre à la victoire, dans la catégorie « chanson originale de l’année », aux prochains NRJ Music Awards, aux prochains Grammy Awards ou aux prochaines victoires de la musique, en France. Quant à « Viper King », n’est pas Whitesnake ou Deep Purple qui veut. Certes, le morceau est énergique et sort le groupe de ce qu’il écrit habituellement, mais le son de guitare ne va pas avec cette musique, rappelant les grandes heures du rock des années 70, et les mélodies vocales, ainsi que le propos du texte, sont si faibles… Comment le discours de Dream Theater peut-il être audible et crédible, avec un texte, parlant d’un homme amoureux de sa voiture, juste après un autre texte, traitant d’écologie et de l’avenir de la planète?

Concernant le son de l’album :

– Jordan Rudess est trop en retrait dans le mix, et ses parties sont trop souvent réduites à la portion congrue ; on peut se demander à quoi il sert sur ce disque ;

– Dans les entretiens précédant la sortie de « Distance OverTime », John Petrucci avait parlé d’un disque plus organique. Mais où est donc passé cet aspect, alors que l’album est l’un des plus produits de la discographie du groupe?

– Le mastering rend le CD difficilement écoutable, du début à la fin, et le support est beaucoup trop compressé. Pourquoi mettre le son aussi fort? Cela n’est pas en poussant le niveau sonore au maximum que l’on entend mieux.

2. Points forts :

Concernant la musique :

– Des riffs de guitare très efficaces : introductions de « Paralyzed », « Fall into the light », même si ce dernier fait trop penser à Metallica, « Barstool warrior », « S2N » et « Pale blue dot » ;

– De magnifiques parties de piano : refrain de « Fall into the light », passage instrumental de « Barstool warrior », introduction, refrain et dernière partie de « At wit’s end » ;

– Des soli de guitare très mélodiques : (« Paralyzed », introduction et première partie de « Barstool warrior »), novateur, d’un point de vue harmonique : « Room 137 », très rapide, mais sans trop de démonstration : « S2N », et sublime : dernière partie de « At wit’s end » ;

– Des effets sur la voix, bienvenus sur la fin du refrain de « Room 137 », qui évoquent « Tomorrow never knows » ou « I am the walrus » des Beatles : « Take me to the other side, Show me what I cannot find, Never-ending number line, Hidden by design » ;

– Le riff principal de « S2N », joué à la basse, au début de l’introduction, ce qui est une première, dans la discographie du groupe ;

– De magnifiques parties plus calmes, qui amènent de trop courtes respirations dans cet album : partie acoustique de « Fall into the light », partie de piano sur « Barstool warrior », dernière partie de « At wit’s end » : « Asked me to listen, Can’t go on and face another day » ;

– Une seule rupture surprenante, dans « At wit’s end » : « Sleepless, worse for wear, Staring at the ceiling » ;

– Des progressions d’accords réussies dans les refrains. Mentions spéciales à ceux de « Room 137 », dans lesquels la musique et la mélodie vocale traduisent parfaitement l’atmosphère sombre du texte, et à ceux de « Pale blue dot », avec leurs accords de quinte augmentée.

Concernant la composition des morceaux :

– Des parties progressives réussies : introductions de « Barstool warrior », de « Sên » et de « At wit’s end », passage instrumental très technique et délirant de « Pale blue dot » ;

– Quelques lignes de chant bien conduites : second couplet de « Untethered angel » (mais dont on peut regretter, là encore, qu’elle accompagne trop la musique), première partie du deuxième couplet de « S2N », couplets de « At wit’s end » et de « Pale blue dot »), et dans la plupart des refrains.

– Les morceaux les moins bons retiennent tout de même l’attention de l’auditeur, durant certains passages : second couplet et refrains de « Untethered angel », alternance entre rythmes ternaires et binaires, dans les couplets et les refrains de « Room 137 », prestation vocale magnifique sur « Out of reach ».

– De bons morceaux, qui, hélas, ne captivent pas l’auditeur, de la première à la dernière note, pour les raisons citées ci-dessus : « Fall into the light », « Barstool warrior », « S2N » et « Pale blue dot ».

Même si certains de ses éléments rappellent les compositions passées du groupe, le morceau le plus cohérent est « Pale blue dot ». Le groupe a peut-être voulu écrire un titre epic, moins long et plus concis, et cela est réussi. Cette épopée extraordinaire comporte beaucoup de facettes de Dream Theater, chères à ses admirateurs : introduction aérienne, préparant l’auditeur à une longue suite, progressions d’accords avec beaucoup d’ampleur, partie instrumentale digne des grands morceaux de musique progressive, avec beaucoup de virtuosité, mais sans trop de démonstration, conclusion magistrale, avec beaucoup d’emphase.

Concernant le son de l’album :

– Cela est très appréciable de pouvoir écouter, avec beaucoup plus de clarté que dans les albums précédents, les parties de John Myung et de Mike Mangini, beaucoup plus présentes dans le mix, et avec enfin un son de batterie digne de ce nom.

3. Conclusion.

Concernant le groupe, ce dernier a écrit cet album de manière collective, mais la déception est à la hauteur de l’attente très forte, suscitée par ce choix artistique. Mike Mangini semble avoir pris une place plus importante, car en plus de son rôle de batteur, il signe, pour la première fois depuis son arrivée chez Dream Theater, les paroles de la chanson « Room 137 ». Même si certaines lignes de chant le desservent, James LaBrie fait montre, une fois encore, de la grande richesse de sa palette vocale. Espérons qu’il pourra maîtriser les parties les plus aiguës, tout au long de la prochaine tournée.

Ce nouvel opus ayant été écrit en dix-huit jours, il ne fallait pas s’attendre à des miracles : « Distance Over time » est un album moyen, qui sera trop vite digéré, mais il est plus intéressant et plus digeste que les plus mauvais albums de la discographie du groupe. Dream Theater retombe ici dans les travers de « Black Clouds and Silver Linnings » et de « Dream Theater », en offrant des morceaux, alternant parties ennuyeuses et passages intéressants, mais trop peu de morceaux, retenant l’attention de l’auditeur dans leur intégralité, pour les raisons évoquées plus haut. Ce disque satisfaira pleinement ceux qui, à l’époque de « The Astonishing », ne juraient que par le groupe Ghost, pour sa capacité à écrire des chansons courtes. Ce n’est pas avec ce type d’albums que Dream Theater prend des risques et se montre audacieux. Souhaitons que le prochain album soit plus équilibré, avec beaucoup plus de nuances à l’intérieur des morceaux, comme le groupe avait su le faire, avec « A Dramatic Turn of Events ».

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