[Traduction] Prologue de The Astonishing Book

Et voilà la traduction du prologue de The Astonishing Book. Je dois vous avouer qu’elle m’a donné un peu du fil à retordre à cause du style original de l’auteur qui est particulier. J’ai essayé de retranscrire ce style tout en gardant une syntaxe plus proche du français. Par ailleurs, cette traduction n’est sans doute pas la meilleure mais l’objectif était de vous faire partager cet extrait le plus rapidement possible tout en jonglant avec ma vie personnelle et professionnelle. Je serai d’ailleurs très heureux de lire vos retours et vos critiques. Bonne lecture!

Prologue

En l’an 2277

Le soleil brûlant commençait à se coucher. On sentait une odeur d’herbe sèche dans l’air. La plupart du temps, le vent du sud-est caressait les brins pour former des murmures que seuls le vent et l’herbe pouvaient déchiffrer. Le long de cette longue route qui menait à la Frontière, aux confins du Grand Empire Septentrional, Gabriel attendait en silence. Un silence rare, non pas à cause du soleil de plomb, de l’herbe sèche ou des vents légers. Ce silence était si rare puisque même ses propres chansons et celles des machines bruyantes de l’Empire, appelées NOMACS par la population, n’osaient troubler ce calme. Derrière lui, sur le chemin qu’empruntaient les migrants, son frère Arhys attendait lui aussi en regardant d’un air sombre la route. Un contingent de sa milice l’accompagnait, une sorte d’escorte. Et quelques minutes après le crépuscule, le son des pas usés par le travail commençait à se faire entendre au loin.

Les bruits des pas lourds pouvaient ressembler à une musique : le bourdonnement éreinté des travailleurs des champs s’en revenant des moissons printanières de la République du Sud, là où ils servaient d’esclaves à l’Empereur. Cela le rendait malade de voir que le peuple de Ravenskill, ces gens qui rentraient encore chez eux, le payait, lui, Arhys et tous les combattants de la milice, pour leurs services. Ce qu’ils gagnaient en travaillant ne servait pas à grand-chose mais ils en gardaient un peu pour entretenir la milice de Ravenskill.

« – Est-ce que tu l’aperçois ? essaya de lui murmurer Arhys. Personne n’aurait pu devenir la nervosité qui émanait de sa voix. Et pourtant Gabriel su. Est-ce parce qu’ils étaient frères ou parce qu’il pouvait sentir les gens ou plutôt leur vibration.

– Elle sera là, le rassura Gabriel. Evangeline est têtue. Elle t’a bien épousé, non ? »

Cette blague était une vieille rengaine mais eut le mérite de décrocher un léger sourire sur le visage d’Arhys.

Les premiers travailleurs des champs de l’Empire s’arrêtèrent devant une porte rouillée. Les soldats de la République du Sud, chargés de les escorter remirent des documents de réadmission aux gardes frontaliers du G.E.S. Un échange de routine mais les combattants ennemis s’observèrent néanmoins avec suspicion alors que pendant ce temps, chaque travailleur était examiné en détail et compté.

« – Ils sont traités comme du bétail, susurra Arhys entre ses dents. Mais cela ne va pas durer.

–  Attends encore un peu, dit Gabriel en posant sa main sur l’épaule de son frère. Ils ne savent que battre le blé et le ramasser ou alors conduire des machines. Ils sont trop faibles pour se battre. Le Sud les fait déjà marcher des kilomètres, il ne leur reste que l’énergie pour rentrer… »

Gabriel s’arrêta net car il savait que la femme de son frère se trouvait parmi la centaine de travailleurs qui se faisaient recenser sur les registres de l’Empire.

« – Ils en ont oublié un, répliqua Arhys d’un air énigmatique mais Gabriel comprit.

– Evangeline est une femme forte, tout ira bien pour ton futur bébé.

– Elle n’aurait pas du y aller. Je n’aurais pas du la laisser partir au travail, s’inquiéta Arhys en regardant vers la porte. »

Les soldats stationnés des deux côtés de la porte pointèrent leurs fusils à énergie vers Arhys, qui heureusement pour lui, portait des habits de travail. S’il avait arboré son uniforme de milicien, il aurait été exécuté sur le champ.

Gabriel prit son frère par le bras, le stoppant net.

« – A ton avis, où se trouve Evangeline dans cette file ? Réfléchis un peu.

Arhys regarda la colonne interminable de travailleurs :

– Elle va se mettre à la fin de la file et s’assurera que le reste des travailleurs passent avant elle.

– Voilà, donc reste tranquille. Gabriel secoua le bras de son frère puis le lâcha. On va éviter de se faire tirer dessus avant qu’elle n’arrive.

– Depuis quand as-tu peur de te prendre une balle, petit frère ? »

Encore une vieille blague qui les fit sourire cette fois-ci.

« – C’est vrai, tu as raison ! »

Ils se tenaient là, le soleil leur chauffant le dos. Une brise légère se fit sentir, balayant les herbes hautes le long de la route. C’était une journée qui normalement aurait pu leur faire oublier les taxes sur les humains, oublier la chute de ce qu’on appelait jadis un gouvernement constitutionnel ou le vote populaire. Il y a quoi, deux cents ans ? Il y avait à présent une douzaine d’Amériques, plus petites, avec chacune leurs propres idéologies. Toutes se faisaient la guerre sauf si elles avaient quelque chose à échanger, comme par exemple le travail humain : cette tâche que les machines ne pouvaient pas faire.

«  – Oh mon Dieu ! » chuchota Arhys.

Gabriel regarda furtivement autour de lui. Evangeline était bien en queue de peloton, aidée par une femme plus âgée. Elle semblait amaigrie, frêle et soutenait son ventre, là où le bébé devait se trouver. Pourtant, lorsque ses yeux rencontrèrent ceux d’Arhys, son visage s’éclaircit légèrement. Elle lui fit signe de la main. Arhys se rua vers elle afin de la rejoindre devant la porte.

« – Recule ! lui ordonna un garde frontalier. »

Arhys ne sembla pas l’entendre ou ignora tout simplement l’ordre.

A peine une seconde plus tard, le garde arma son fusil en direction d’Arhys et fit feu. Une longue décharge d’énergie parcourut l’espace entre les deux hommes pour terminer sa course en écrasant Arhys au sol. Son corps se recroquevilla, les muscles fléchis et crispés. Son visage fut parcouru d’un rictus de douleur.

Gabriel se précipita aux côtés de son frère :

«  – Prends une grande respiration et détends ton dos. »

Plus la décharge faisait frémir Arhys, plus le choc semblait douloureux.

Des murmures s’élevèrent de la colonne formée par les travailleurs des champs. Ils connaissaient tous Arhys, lui qui se battait pour les défendre. On sentait parmi eux quelques signes de nervosité et de colère.

Gabriel leva la main vers eux.

«  – Tout va bien. Finissons-en avec ce transfert »

Puis il se tourna vers Evangeline : il va bien. Mais elle n’était pas au meilleur de sa forme. Depuis combien de temps marchait-elle avec cette douleur ? L’enfant ne devait arriver que dans six semaines.

Arhys prit Gabriel par la chemise et l’enroula à son poing.

« – Un jour ou l’autre, il faudra que tu le fasses. »

C’était aussi une vieille rengaine. Mais cela n’était pas du domaine de l’humour, mais plutôt de la dispute. Arhys faisait référence au don particulier qu’avait Gabriel de sentir les gens, au plutôt leur vibration. Il pensait que la musique était une expression humaine et non une chose inventée par les machines de l’Empire. Il savait qu’elle pouvait toucher les gens, les changer et Arhys pensait qu’il avait un don, une arme, quelque chose que l’Empire ne pouvait pas contrôler. Gabriel, lui n’en était pas convaincu. Parfois il le considérait comme un fardeau, presque le même que celui que portaient les esclaves. Il avait du mal à comprendre cet espoir placé en lui et il ne pouvait s’y soustraire.

Evangeline venait juste de franchir la porte lorsqu’un nouveau bourdonnement se fit d’abord entendre au loin puis se rapprocha à vive allure. Quelques secondes plus tard, trois NOMACs apparurent au dessus des montagnes orientales. C’étaient des sphères auxquelles on avait rajouté de multiples objectifs, une série de rayons et des amplificateurs acoustiques capables d’envoyer des sons répétés ou de fortes décharges sonores. Ils étaient également utilisés comme réseau de communication : ils erraient, munis de leurs transmetteurs de signaux pour se connecter à l’espace de données de l’Empire. C’était sûrement leur atout et leur arme les plus précieux.

Les machines fondirent sur la foule. Une d’entre elles cacha même brièvement le soleil lors qu’elle plana au dessus de la populace.

Un autre NOMAC disparu vers le Sud, par mesure de sécurité car parfois, la République du Sud reprenait des ouvriers après qu’ils aient été comptabilisés. Les registres de recensement apparaissaient comme corrects mais les travailleurs des champs étaient déportés vers les cultures de tabac et de maïs de la République.

Le troisième NOMAC commença à parcourir la vallée entière, pour filmer une vidéo à destination de l’équipe de combat impériale qui se trouvait à des kilomètres de là. C’était presque du gâchis puisque l’Empire n’hésiterait pas à sacrifier les travailleurs avant de déployer un contingent sur entraîné. La gestion des ressources était une science qui exigeait un équilibre précaire.

Les soldats du Sud commencèrent à se retirer.

«  – Restez là, ordonna un garde impérial, jusqu’à ce qu’on ait fini de les scanner. »

Un cri strident fit irruption dans la vallée. Il était tellement aigu qu’on ne pouvait presque pas l’entendre mais il heurta Gabriel à l’arrière de sa tête, comme si un pique à glace lui perçait le crâne.

Les autres ne semblèrent pas l’entendre, du moins pas de la même façon. Gabriel voulu le faire taire et plaque ses mains derrières les oreilles mais cela était inutile. Le son se déplaçait le long d’un spectre sonore inaudible par le commun des mortels. C’est là qu’il comprit à quoi cela servait. Ce son atteignait les « signatures » qui se trouvaient au plus profond des hommes pour les identifier aussi précisément qu’une empreinte digitale mais de façon plus efficace. Il résonnait en eux pour en faire des êtres uniques et les décrire encore plus précisément qu’un document d’identité ou un tatouage de transport.

C’était inédit et cela faisait un mal de chien, comme du sable brûlant fouetté par le vent contre la peau. Mais il ressentait cela à l’intérieur de son corps.

Puis ce fut terminé. La note cessa subitement, terminant sa course vers la route en un écho formé d’ondes qui s’évanouissaient et laissaient place à un son plus faible : un cri faible lorsque Evangeline posa un genou sur la route et s’effondra.

Arhys se mit debout tant bien que mal tout en réprimant les convulsions qui agitaient son corps. Les NOMACs n’eurent pas l’air de s’y intéresser et se contentèrent de former une ligne à 15 mètres de la frontière en faisant de lentes rotations.

La vieille femme qui avait soutenu Evangeline, se trouvait à ses côtés et soutenait sa tête avec une veste de laine enroulée :

« – Le bébé arrive !

– C’est trop tôt, affirma Arhys tout en prenant la main de Gabriel pour se donner du courage.

Gabriel aida son frère à rejoindre Evangeline. Elle les regarda à travers ses joues émaciées.

– Je n’imaginais pas que cela se passerait ainsi, dit-elle en souriant à peine.

– Cela fera une belle histoire à raconter, répondit Arhys. A présent, garde des forces. »

Elle acquiesça et le peuple de Ravenskill, travailleurs et milice, formèrent un large cercle autour d’elle et leur tournèrent le dos pour leur apporter un peu d’intimité.

Gabriel remarqua le léger bourdonnement des NOMACs au dessus d’eux. Lorsqu’ils ne diffusaient pas  leurs chants dissonants ou leurs notes stridentes, ce léger bourdonnement était presque musical. Presque.

Les heures qui suivirent furent dures pour Evangeline car son corps était faible et personne ne pouvait lui apporter un semblant de bien-être ou de l’eau lors du travail.

Arhys serra sa main tout du long et lui parla tendrement pour l’encourager. Il l’aimait du mieux qu’un homme le pouvait lorsqu’il se sent inutile, inquiet et fier. L’enfant vint enfin au monde. Son faible cri semblait terne comparé au vrombissement des NOMACs. Ces machines volantes, bien qu’ayant été témoins d’une naissance, se mirent en route vers le Nord-est et quittèrent la route dans un silence pesant.

Un des hommes d’Arhys enleva sa chemise et la donna à la vieille femme qui enveloppa l’enfant et le plaça doucement dans les bras de sa mère.

« – Xander, dit-elle doucement en donnant son nom à l’enfant. Ses paupières se baissèrent puis se fermèrent et elle soupira, épuisée.

– Evangeline ? Arhys frappa sa joue de sa main rêche. »

Elle tenta de sourire en réponse mais ses lèvres ne firent que trembler.

Gabriel avait déjà vu ce genre de scène de nombreuses fois. Comment était-ce possible encore de nos jours ? Grâce aux avancées technologiques, on pouvait créer des machines qui volaient, qui communiquaient sur de longues distances et pouvaient scanner le corps d’un homme pour l’identifier. Alors pourquoi une naissance était-elle toujours aussi mortellement dangereuse pour une femme ?

La réponse était simple : seuls quelques privilégiés avaient les clés du royaume, les autres non.

Arhys fixa Evangeline avec un regard grave :

« – Xander n’aura pas la même vie que nous. Il sera en sécurité et il aura une chance…il sera libre. »

Elle avait peut-être souri mais si légèrement que c’était dur à deviner. Puis sa respiration se fit plus lente et ses bras lâchèrent l’enfant. Elle ne s’arrêta pas de regarder Arhys jusqu’à son dernier souffle.

La vieille femme prit l’enfant alors qu’Arhys regardait sa femme, morte.

« – Evangeline, non ! Il secoua la tête. Non ! »

Sa voix laissait paraître une profonde détermination. Il voulait absolument qu’elle revienne à la vie et défier la mort. Ses mots étaient emplis de cette haine qui survient lorsqu’on perd un être cher et de ce désespoir qui surgit lorsqu’on se retrouve seul. Arhys voulait se battre contre cette chose, affronter la mort. Mais impossible ! Elle était partie et ni sa détermination ni son amour ne pourraient rien y changer.

Les hommes et les femmes qui entouraient la scène, étaient tous en pleurs. Ce n’était pas la première fois que quelqu’un avait perdu la vie en la donnant et dans leurs larmes et on sentait bien que ce ne serait pas la dernière.

Gabriel les écouta tous, baissant la tête devant cette femme chez qui il s’était toujours senti bien : Evangeline. Elle ne lui demandait jamais rien. Elle lui réservait toujours une place à sa table, insistant pour qu’il reste. Elle écoutait avec attention ses chansons et y trouvait du sens alors que lui ne les comprenait pas toujours. C’était son don à elle.

« – Ramène-la, dit Arhys de sa voix basse mais dure.

Gabriel leva la tête :

– Arhys ?

– Ramène-la à la vie Gabriel, les yeux d’Arhys étaient intransigeants et imploraient. J’ai vu que tu pouvais émouvoir les gens avec une de tes chansons, tu pouvais les faire vibrer. Ta musique a quelque chose d’unique. Tu peux changer les choses. Un long moment passa. Je t’en supplie! »

Traduction : The Keyboard Wizard

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