Le fan club norvégien a eu la chance de discuter avec James pendant 20 minutes, avant le concert d’Oslo. Voici la traduction intégrale de l’interview avec la vidéo en dessous.
Ça fait 25 ans qu’Images and Words est sorti. Alors ça fait quoi ?
Ça semble tellement irréel. C’est drôle car à l’époque de l’enregistrement de l’album, si quelqu’un nous avait dit que dans 25 ans, on serait en train de célébrer l’anniversaire de cet album, j’aurais dit : « arrête de déconner, mec, ça parait tellement loin, pourquoi en parler maintenant car on a le temps de voir arriver ». Mais je pense que cet anniversaire m’a permis de réfléchir à ce par quoi nous sommes passés : toutes les choses que nous avons pu faire, au niveau musical, avec le groupe et entre potes, toutes les galères et les aventures qu’on a eues jusque-là et nos difficultés à évoluer. Il se passe beaucoup de choses dans la vie et c’est extrêmement difficile de garder un groupe soudé, même pendant 5 ans … Sans parler de 25-30 ans. C’est vraiment une consécration. Ca prouve également que cet album a profondément marqué les esprits et qu’il a eu un énorme impact sur les fans du monde entier.
Tu as rejoint le groupe à l’époque où les choses étaient difficiles pour eux. Ils avaient certes un contrat avec une maison de disques mais ils voulaient s’en aller.
Oui, ils étaient avec Mechanic/MCA à l’époque. Ils avaient sorti leur premier album When Dream and Day Unite avec Charlie Dominici et ils se sont rendu compte à un moment que, même si Charlie avait du talent, ce n’était pas un chanteur fait pour eux. Ensuite a démarré une période de deux ans où le label leur disait « Faites ce que vous voulez, trouvez un chanteur et revenez nous voir ». Le label ne les soutenait pas totalement et ils ont donc auditionné plusieurs chanteurs et avaient fait leur choix quand ce gros paquet (pas celui entre mes jambes) mais ce gros paquet leur est tombé dessus. A cette époque, enfin c’est ce qu’on m’a raconté plusieurs fois, on leur avait envoyé les enregistrements studios que j’avais faits avec Winter Rose et quelques trucs enregistrés en live. Je crois qu’ils se sont réunis un soir et qu’ils ont écouté tout ça et se sont dits « Oh bordel ». En fait, Kevin Moore a été mon premier interlocuteur dans le groupe. C’est lui qui m’a appelé pour me dire « Salut, on a écouté ta cassette et on voudrait vraiment que tu viennes nous voir car on voudrait faire un bœuf avec toi ». Je lui ai dit « Pourquoi pas, est-ce que tu pourrais m’envoyer ce que vous faites ? » car je ne connaissais pas du tout Dream Theater. Je lui ai dit « vous faites quoi comme musique ? » et Kevin m’a répondu « on est un genre de groupe de hard rock/metal progressif ». Je suis un gros fan de Rush et donc je lui ai demandé « ah ouais, un peu comme Rush ? » et Kevin m’a dit « ouais, ouais, c’est un bon exemple, mec, on fait un peu du Rush » alors j’ai répondu « Sans déconner ? Il faut absolument que j’écoute ce que vous faites ». Ils m’ont donc envoyé When Dream and Day Unite et d’autres chansons qui allaient être sur Images and Words, et qu’ils avaient déjà composées. Ça va sans dire que je me suis dit « C’est quoi cette musique de malade ? ». Le plus marrant dans cette histoire, c’est que je suppose qu’entre temps … au fait, tu veux vraiment que je développe cette histoire ?
Oui, oui…
Entre temps, ils avaient commencé à se dire « les gars, on a déjà bossé avec ce chanteur, Chris Cintron ». Ils travaillaient avec lui depuis un bout de temps et ils se sont dit « Peut-être qu’on s’est un peu précipité sur ce coup … » Kevin me rappelle et me dit « On est en train de faire un peu marche arrière. » Je lui ai répondu « ouais, pas de souci, c’était sympa de parler avec toi, bon courage pour la suite et passe le bonjour au reste du groupe, que je n’ai jamais rencontré. » car au final je ne m’étais pas investi dans le projet. De plus Winter Rose était toujours un groupe solide à cette époque et ça s’est terminé là-dessus. Une semaine après précisément, je reçois un autre coup de fil mais cette fois de la part de Mike Portnoy. Je m’appelais encore Kevin à cette époque. Bref, il me dit « Salut Kevin, c’est Mike Portnoy, tu sais, le gars de Dream Theater. Bien, je sais que ça peut sembler fou mais on va tirer un trait sur tout ce qu’il s’est passé et on veut que tu viennes nous voir. » Je lui ai dit « ouais, si tu veux… » et il me répond « t’inquiètes, si on trouve un créneau, on te paye le voyage pour New York et le tour est joué » alors j’ai répondu « Ok, mec, pas de souci, on a qu’à faire ça. » Mais après avoir raccroché, j’ai demandé à ma femme « Bon, je fais quoi ? » Car dans ma tête, je me disais : c’est quoi cette histoire, je commençais à me dire que ces gars étaient pas totalement sûr d’eux, et elle m’a dit « non, tu as écouté leur musique, c’est ton style, non ? Alors tu vas bouger ton cul jusqu’à New York et tu vas faire jouer avec eux et tu leur montreras ce que tu sais faire. » J’ai dit ok, j’y suis allé et on a répété toute la nuit et on s’est tous regardés et on s’est dit « demain on enregistre une démo »
C’est marrant ce que tu dis, car tu dis qu’à cette époque, tu t’appelais encore Kevin …
C’est toujours le cas !
Généralement, lorsqu’on fait des rencontres d’avant concert, on fait un quiz et une des questions basiques est « Quel est le deuxième prénom de James LaBrie ».
Le premier non ?
Non non, le deuxième.
Oh ok, je viens de comprendre.
Car tout le monde se trompe.
C’est une bonne question ça, un joli piège
Les gens répondent « Oh bin je ne sais pas… » Bin en fait, c’est James.
Vous m’appelez comme ça depuis des années… Pas mal, pas mal, joli piège.
Sinon, aviez-vous enregistré une démo de A Change of Seasons à ce moment-là ?
Tout à fait. On est allé dans l’appartement où John Myung vivait à l’époque, il avait un colocataire, mais on y est allé et c’était un bel appart. C’était plutôt sympa et c’est là où on a enregistré la démo, en 5 jours. Non, en fait, j’y suis resté pendant 5 jours au total la première fois, donc en gros on a dû mettre 3 jours pour la faire. Au final on a fait « A Change of Seasons », « Take the time », « Metropolis » et « Learning to Live ». C’était plutôt intense. Le deuxième jour d’enregistrement, ils m’ont dit « James, tu peux descendre ? » On avait transformé la chambre de John en studio d’enregistrement. Bref je les rejoins en bas, tout le monde était là et ils m’ont dit « on veut que tu rejoignes le groupe, on te veut comme chanteur, t’en penses quoi ? » Je suppose que tu as déjà vu une de ces photos, dans un de ces livres où on est tous assis sur le canapé, nos verres à la main, et bien c’est là que tout a commencé.
La plupart des chansons étaient écrites bien avant que tu ne rejoignes le groupe… Ils avaient déjà écrit les mélodies, les lignes de chant avant.
En fait, je n’ai uniquement contribué qu’à faire quelques suggestions au niveau de la mélodie, quelques trucs du genre « ça serait mieux si je chantais comme ci, ça serait mieux si je chantais comme ça, ça me semble plus mélodieux, vous en pensez quoi ? » Et franchement ils étaient totalement ouverts. Ils étaient dans cet état d’esprit : « il faut qu’on fasse du mieux qu’on peut. » En fait, c’est le cas sur chaque album, ce n’est jamais du genre « Et les gars, et moi ? Je n’ai pas mon mot à dire ? » Au final, il faut savoir ce qu’on veut accomplir. Si on veut être les meilleurs, alors il faut mettre de côté nos putains d’égos. Il faut être pro et rationnel et avoir une vision nette, c’est comme cela qu’on obtient les meilleurs résultats. Mais franchement, c’était une époque vraiment chouette car on était tous excités, on était à fond. On était tous très jeunes et on débordait d’entrain, d’enthousiasme et de joie de vivre tout simplement. On était de bons amis, des camarades et lorsque je repense à ces instants, lorsque Mike et moi étions bons amis, lorsqu’on se retrouvait, qu’on discutait de tout et de rien, qu’on délirait et qu’on buvait ensemble, c’était carrément sympa.
Est-ce difficile pour toi de jouer tout Images and Words d’affilé ?
Carrément. Au niveau chant, c’est un putain de truc. Franchement ça date d’il y a 25 ans ! C’est vraiment un défi.
Je suis bien tombé malade lors de cette tournée, mais bien bien malade. A un moment je me suis dit que j’avais une bronchite mais le médecin m’a dit non, tu es juste bien enrhumé. C’est pour cette raison que ça représente un gros défi pour moi de ménager mes cordes vocales le plus possible. Je me contente de faire ce que je peux pour que tout fonctionne et franchement, vu par quoi je suis passé, ma voix était plutôt en bon état.
C’est vrai, je pense que tu as fait de belles prestations, pour ce que j’ai pu voir. Sinon, l’une des choses qu’il y a en plus, si on compare avec les autres tournées, ce sont ces petits moments où tu es seul sur scène et tu racontes des anecdotes, C’est vraiment passionnant, car à chaque fois, tu racontes quelque chose de différent.
Je me suis dit, lorsqu’on a commencé à réfléchir à cette tournée, à cet anniversaire, que ça me rendrait plus accessible. Il faut plaire aux gens pas seulement au niveau musical, mais aussi au niveau humain. Après tout, nous sommes aussi des êtres humains…donc je raconte ce que nous faisions à cette époque, je raconte ce que nous vivions, au niveau émotionnel et je raconte aussi des anecdotes inédites. Il y a sûrement plein d’anecdotes que l’on retrouve dans des livres, par ci par là mais il y a des histoires que je raconte et pour lesquelles pas mal de gens vont se dire « Ah ouais ? Ils étaient comme ça, à l’époque, ils pensaient ci, ils faisaient ça ? » Et je pense que c’est vraiment sympa car l’énergie que je reçois de la part du public, c’est comme ci on était assis dans un salon et qu’on est juste en train de papoter. Et lorsque le public quitte la salle ils ont certes écouté notre musique mais ils ont aussi vu notre personnalité et se disent « finalement, ces gars sont super cool …Ils sont tout simplement comme nous. Ce sont juste des être humains qu’on ne connait que par ce qu’ils font au niveau musical. » Mais on leur raconte aussi les coulisses et c’est ce qui rend ces concerts si spéciaux.
D’ailleurs hier soir, il y a eu l’affaire du pop corn. Qu’est-ce qu’il s’est passé dans ta tête ?
J’ai ri, j’ai pensé que c’était vraiment marrant. Je me suis dit : que c’était sympa c’est tellement eux, et j’ai continué à raconter mon histoire. Franchement, du pop corn Norvégien quoi !
L’année dernière tu es apparu sur quelques albums en tant qu’invité, tu as notamment participé à l’album de Rik Emmett…
Quel talent ! Mon Dieu, c’est Rik Emmett dont on parle, j’ai toujours adoré ce mec, il est incroyable. En plus Alex Lifeson était là aussi donc j’ai pu discuter avec lui. C’était la deuxième fois que je le rencontrais et c’est vraiment un mec bien et sympa. Il est super imposant : je suis baraqué mais lui, il a une carrure imposante. Mais oui, j’ai travaillé avec Rik. Il a contacté mon ancien manager qui travaille maintenant chez Mascot, le label de Rik donc je suppose que Rick l’a contacté et il lui a dit : « tu sais, j’ai toujours voulu bosser avec James, tu pourrais le joindre ? » Jim m’a contacté et m’a dit « Salut, Rik Emmett aimerait que tu viennes chanter quelques morceaux avec lui » J’ai répondu « Hein ? J’arrive direct, J’adore Rik. » Puis j’ai eu Rik au téléphone qui m’a dit qu’il était fan de ce qu’on faisait depuis toujours et que son fils de 27 ans avait grandit avec Dream Theater et il m’a demandé si je pouvais venir. J’y suis donc allé. J’ai chanté quelques morceaux et on a passé de bons moments. Je n’y suis pas resté longtemps mais c’était très très sympa. Je ne sais pas si vous avez déjà entendu Rik jouer de la guitare acoustique mais il est phénoménal. Il joue vraiment bien de la guitare électrique certes mais avec une acoustique, il est à tomber par terre. Et puis il possède une voix angélique. Un de mes amis se disait « Qui peut chanter le plus aigu? Rik Emmett ou James Labrie ? » Y a pas photo ? Bref, j’ai fait le job et on verra. Je ne sais pas si vous avez déjà pu écouter les morceaux… Il y en a un qui fait très Led Zeppelin : « End of the Line », c’est celui sur lequel on peut entendre Alex. Il a fait un putain de taff, franchement, c’est un de mes guitaristes préférés : j’ai toujours été fan d’Alex. Et l’autre titre s’appelle « I Sing », c’était très sympa. J’ai même emmené mes gosses. Ouais, bon, ils ont 19 et 20 ans donc ce ne sont plus des gosses mais ils ont discuté avec Alex pendant que j’enregistrais ma partie chant. Il discutait pendant ce temps là avec mon fils et ma fille de tout et de rien, et franchement, c’est ce que j’adore chez des gars comme Rik et Alex Lifeson : aussi talentueux qu’ils soient ils restent des êtres humains.
C’est la même chose pour vous les gars de Dream Theater, vous êtes vraiment terre à terre.
Pour moi c’est la seule façon de garder la tête froide. Combien de temps peut-on tenir en jouant un rôle ? Tôt ou tard ça doit devenir fatiguant non ?
Tu as aussi chanté sur le dernier album de Last Union…
Ah oui c’est vrai, mon Dieu ! Un de mes amis qui est dans le domaine de la musique m’a dit qu’il connaissait un groupe Italien qui composait des morceaux vraiment sympas et qui avait une chanteuse. Comme c’étaient des fans, ils voulaient que je chante sur leur album, alors je lui ai dit « Bon fais moi écouter ». J’aime bien écouter d’abord. Même lorsque Rik m’a demandé de chanter pour lui, je lui ai dit : « envoie les morceaux d’abord. » Je veux m’impliquer dans un projet seulement si ça me parle. Sinon j’ai l’impression d’être une pute du milieu du rock, du genre : « file moi la tune, le reste ne m’intéresse pas ». Non ce que je fais doit m’intéresser vraiment. Je veux m’investir dans quelque chose que je trouve digne d’intérêt. Bref, j’ai écouté certains des morceaux qu’ils voulaient que je chante et je me disais qu’ils faisaient plutôt du rock classique à l’ancienne. Du putain d’hard rock et ça me plaisait : le concept de l’album, leurs thèmes religieux et politiques. Tu vois le genre. Je suis donc allé chez Rich Chycki avec qui j’ai enregistré pas mal de trucs, je suis allé dans son studio pour enregistrer et ça a rendu un truc bien. Le morceau s’appelle President Evil.
Sympa. Sinon, dans quelques mois va sortir le nouvel album d’Ayreon.
Et oui, encore un album d’Ayreon. En fait lorsque j’ai participé à The Theater of Equation, quand on le jouait sur scène, il est venu me voir à la fin des spectacles et m’a dit « tu sais, James, je suis sur un projet là, et j’aimerais vraiment que tu y participes une nouvelle fois. Je peux compter sur toi ? » Et je lui ai répondu : « tu penses à quoi ? » Et il m’a dit « Je sais comment tu fonctionnes… » et il rajoute « Mais non, j’ai composé ces parties en pensant à toi en train de les chanter donc il faut que tu les chantes ! » Je lui ai dit « Bon si tu l’as fait de cette manière, je n’ai pas d’autre choix que d’accepter. Et c’était vraiment génial car un beau jour, je reçois un mail d’Arjen qui me dit « j’ai fini les morceaux ! Donc je t’envoie les MP3 pour que tu puisses les écouter. » C’est ce que j’ai fait et je me suis dit : « bordel de merde, ça envoie du lourd. » Et après, il m’a expliqué qui allait également chanter sur l’album. Il y a un casting de chanteurs de folie et chaque chanteur, dans son style, est vraiment talentueux. Donc j’ai accepté et en fait j’ai enregistré le chant dans ma cave, dans mon petit studio mais au final, ça rend bien et je lui ai donné ce qu’il voulait. J’ai hâte d’entendre ce que ça donne même si j’en ai déjà entendu une bonne partie. Pour revenir à Arjen, j’adore ce type, il est vraiment d’entrain, il aime tellement ce qu’il fait que ça en devient contagieux. Et d’avoir rencontré quelqu’un comme lui, un tel talent, si singulier et dont la musique est reconnaissable entre tous, c’est un immense honneur de travailler avec quelqu’un comme lui car il vous montre à quel point sa musique est intense.