Note de The Keyboard Wizard : Cette année encore, Sébastien notre chroniqueur non voyant, nous fait le plaisir de nous donner non pas sa vision du concert mais son audition. Avec sa sensibilité, on découvre ou redécouvre des facettes du groupe. De plus, son enthousiasme fait toujours plaisir à lire.
Moins d’un an après leur dernier concert français, dans la magnifique salle du Palais des Congrès, pour la tournée « The Astonishing live », Dream Theater revient cette fois au Zénith de Paris, le 12 février 2017, dans le cadre de la tournée « Images, Words and beyond », célébrant le 25ème anniversaire de la sortie d’un des albums incontournables, pour les admirateurs du groupe : « Images and Words ». Il est regrettable de constater que, pour un tel évènement, la salle n’est pas pleine ce soir.
Arrivée devant le Zénith, vers 17 heures 30, accompagné de deux compères. La file d’attente est déjà dense, mais tout le monde est très calme. Nous entrons dans la salle vers 18 heures, et en attendant le début des réjouissances, nous avons droit à quelques morceaux de choix, comme « Now I’m here », « Stone Cold Crazy » et « Somebody to Love », de Queen, « Master of puppets », de Metallica, « Freewill », de Rush, ou encore « The Tromper », d’Iron. M’aide, dont les premières notes font crier quelques spectateurs.
Il est à peine 19 heures, et Pour entrer en scène, Dream Theater a choisi une introduction inattendue : « The colonel », composée par Thomas Berger sen. Il est étonnant que le groupe n’ait pas utilisé sa propre introduction de concert : « False Awakening Suite ».
Le premier acte de ce concert débute par « The Dark Eternal Night », surprenant morceau d’ouverture, mais idéal, montrant un groupe très soudé, en pleine possession de ses moyens, et qui a envie d’en découdre. James LaBrie est vocalement très en forme, tout comme les autres musiciens, qui prouvent au public, au cours du passage instrumental complètement fou, qu’ils n’ont rien perdu de leur virtuosité ; la mise en place du groupe est époustouflante de rigueur et de précision. Mention spéciale à Mike Mangini, qui, bien qu’ayant un jeu parfois un peu trop robotique, fait preuve d’une technique irréprochable derrière sa batterie, technique quelque peu desservie par le son de l’une des deux cymbales charleston, très souvent jouée de manière ouverte, mais dont la sonorité manque de puissance. Toutefois, les sons de ses deux caisses claires sont beaucoup plus chaleureux sur scène que sur disques, et les divers roulements et descentes de tomes les plus rapides passent sans accrocs, dans cette partie truffée de mesures irrégulières et de ruptures de tempo. Pourtant, le public ne semble pas montrer un grand enthousiasme, ce qui sera le cas tout au long de cette première partie. Le son est excellent et il le restera tout au long du concert. Après un salut du chanteur au public, le groupe poursuit par une émouvante interprétation de la chanson « The Bigger Picture », un des meilleurs morceaux de l’album « Dream Theater », mais qui est encore plus beau en direct.
Arrive ensuite une introduction constituée d’une nappe de clavier, avec des notes de guitare très aériennes, jouées avec beaucoup de finesse et de façon très libre. Elles me font penser à « Another dimension », de Liquid Tension Experiment, mais, oh surprise! Il s’agit de « Hell’s Kitchen ». Première extase de la soirée! Le solo de John Petrucci, très mélodique, est somptueux, et les autres musiciens l’accompagnent sans fioritures. Ce morceau a été choisi, pour célébrer le 20ème anniversaire de l’album « Falling into infinity ». Un choix judicieux, puisque « Hell’s Kitchen », avant cette tournée, n’avait jamais été joué en Europe dans son intégralité, excepté dans la version démo de « Burning my Soul », interprétée lors du « World Tourbulence » en 2002. Après une courte transition, le groupe enchaîne avec deux morceaux du dernier album, « The Astonishing » : « The gift of music » et « Our new world ». Contrairement au concert du Palais des Congrès, le public ne semble pas taper des mains durant ce morceau, qui est l’un des moins bons de l’album. Si Dream Theater, au lieu de « Our new world », avait choisi « A new Beginning », ce morceau aurait sans doute fait bouger davantage les spectateurs, avec sa rythmique plus enlevée et son solo de guitare si beau.
Nouvelle intervention parlée de James LaBrie, pour annoncer un solo de basse de John Myung, qui reprend un morceau du génial bassiste Jaco Pastorius : « Portrait of Tracy », morceau tout en harmoniques, jouées par Myung avec sobriété et finesse. Les dernières notes servent de transition impeccable, pour l’introduction du morceau « As I Am », qui semble réveiller un peu le public. Décidément, les lignes de chant sont plates, mais le riff de guitare est toujours aussi efficace. Durant l’interprétation de ce morceau, nous avons droit à un extrait de « Enter Sandman », de Metallica, et sur le dernier accord de « As I Am », les musiciens citent une cellule rythmique du morceau « One », des Four Horsemen. Cette première partie se conclut par une interprétation admirable, et toute en émotion, du morceau « Breaking all illusions », que je n’avais encore jamais écoutée en direct ; seconde extase de ce concert, et qui va crescendo, avec le fantastique solo de guitare, le dernier refrain, avec sa splendide coda, décuplée par une superbe mélodie vocale, et la dernière progression d’accords de ce morceau. Cette interprétation magistrale me laisse sans voix. Comment décrire avec des mots ce que je ressens, alors que le groupe m’a mis sur un nuage, et que les émotions passent avant tout par les lignes de chant, les paroles et la musique? Cette première partie, qui a duré une heure, est passée à la vitesse d’un éclair.
Le deuxième acte débute par une introduction intitulée « Happy new year 1992 », sous la forme d’un montage, qui met en scène une personne tournant le bouton d’un poste de radio. Ce montage est une rétrospective de quelques évènements, qui se sont déroulés cette année-là, évènements ponctués par quelques extraits de chansons, parmi lesquelles figurent « Come as You are », de Nirvana, ou « Friday I’m in love », du groupe The Cure. Ce préambule se termine par la voix d’un présentateur, annonçant « Pull me Under », de Dream Theater. Nous savons alors que les cinq musiciens vont jouer devant nous l’album « Images and Words » dans son intégralité.
L’introduction de « Pull me Under » retentit alors, jouée en direct par John Petrucci, un demi-ton au-dessous de la tonalité initiale de l’album original, et il en sera de même pour les autres titres, excepté « Wait for Sleep ». « Pull me Under » est le premier morceau de bravoure de l’album ; je suis aux anges. Le public est totalement enthousiaste et chante à tue-tête le refrain avec le groupe. Malgré les notes très aigues que recèlent les lignes vocales, James LaBrie est à la hauteur de son rôle de chanteur et de meneur. S’ensuit « Another Day », dans une poignante interprétation, quelque peu gâchée par les sons de clavier (le saxophone n’est pas réaliste et le Zen Riffer m’agresse décidément trop les oreilles).
Le groupe s’arrête, pour laisser la place à James LaBrie, disant au public qu’il n’en revient pas que Dream Theater soit encore là, 25 ans après la sortie de « Images and Words », et qui nous raconte une anecdote au sujet du premier concert français du groupe à Paris, à la Locomotive, le 13 avril 1993. Dream Theater reprend la narration de l’album, avec « Take the time », second temps fort de cet opus, au cours duquel John Petrucci cite, d’après une personne qui est à mes côtés, les premières notes de l’une de ses compositions, intitulée « Glasgow kiss », provenant de son album solo « Suspended animation ». Comme les précédents morceaux, « Take the Time » est joué à la perfection, la maîtrise du groupe étant toujours aussi impressionnante. Mike Mangini semble être comme un poisson dans l’eau. Je me sens en totale symbiose avec le public et avec ces musiciens, en pleine épopée musicale avec eux, au comble de l’excitation et de la joie! ON calme le jeu avec « Surrounded », joué là aussi, dans une interprétation très forte, d’un point de vue émotionnel. James LaBrie chante de manière magistrale, changeant parfois quelques notes de la mélodie lorsqu’il ne peut pas atteindre certaines notes aigues de l’album original, mais ces nouvelles notes enjolivent ces lignes vocales, et le public continue à chanter avec lui. La dernière partie, allant de « I know it’s easier », jusqu’à « Surrounded in all the light », chantée à l’unisson par les spectateurs et le chanteur, m’émeut profondément.
C’est le moment de « Metropolis part 1 : the miracle and the sleeper », troisième grand moment de l’album. C’est du délire dans la salle. La section instrumentale de folie, avec ses sextolets de doubles-croches, joués à l’unisson par la guitare et le clavier, est majestueuse. Le morceau est agrémenté d’un splendide solo de Mike Mangini, fourmillant de mesures irrégulières, de ruptures de tempo et de nuances, et qui démontre, s’il en était encore besoin, toutes les capacités techniques et musicales de ce fantastique batteur. Ce solo me captive au plus haut point. Lorsque les autres musiciens reviennent dans le morceau, quelle ne fut pas ma surprise de constater, avec beaucoup d’enthousiasme, que certaines notes sont jouées à l’unisson, par la guitare, le clavier et la basse, avec des silences en fin de phrases ; c’est une idée fabuleuse. « Under a Glass Moon » est toujours aussi époustouflante de vélocité et de virtuosité, avec ses superbes lignes de chant et ses magnifiques envolées de guitare et de clavier. Il est regrettable qu’au cours de la phrase « Praying for time to disappear », la voix du chanteur soit en forçage sur le mot « time ». C’est là que l’on se rend compte de la difficulté pour chanter les lignes de cet album.
Nouvelle pause pour les musiciens, durant laquelle James LaBrie prend son temps, pour nous raconter un souvenir relatif à l’enregistrement de l’album, aux Beartracks Studios. Il nous présente Jordan Rudess, en nous précisant que le claviériste va improviser un solo et qu’il n’a aucune idée de ce qu’il va jouer avant de commencer. Ce merveilleux solo de piano est tout en mélodie et en sobriété. L’interprétation qui s’ensuit de « Wait for Sleep » me sert les tripes, le groupe étant dans la retenue et dans l’émotion. L’album se conclut par une quatrième et dernière extase : « Learning to live », morceau exécuté de main de maître par les cinq musiciens. C’est la deuxième fois que j’ai la chance d’écouter ce morceau en direct, et il m’émeut toujours autant. Le duo final entre John Petrucci et Jordan Rudess est très intéressant, et amène de la nouveauté au morceau, car les deux protagonistes s’amusent à improviser, d’abord sur des huit-huit (huit mesures pour l’un, puis huit mesures pour l’autre), puis sur des quatre-quatre, des deux-deux et des un-un. Les autres membres du groupe reviennent enfin, pour le dernier refrain et la coda finale, durant laquelle le public chante les « oh, oh oh oh oh », coda qui parachève « Images and Words » de façon sublime.
L’écoute en direct de cet album légendaire de Dream Theater, est passée à une vitesse fulgurante. Le moment est déjà venu pour le groupe de sortir de scène, acclamé par un public lui faisant une ovation triomphante, et si justement méritée.
Le groupe revient, pour nous jouer un de ses meilleurs morceaux : « A Change of Seasons », écrit à l’époque de l’album « Images and Words » et interprété ici dans sa version définitive, datant de 1995. Lui aussi est joué un demi-ton plus bas que sur le disque original, mais il a beau durer 25 minutes, il n’en paraît que cinq. C’est un voyage si intense, traversé par tant de rebondissements, d’émotions, de riffs rageurs et de nuances, que Dream Theater réussit ici une prouesse, parvenant à tenir en haleine l’auditeur, dans un temps aussi long, sans jamais le lasser. Je suis dans les nuages, et si heureux de pouvoir écouter à nouveau ce morceau en direct. Le public réserve une dernière ovation au groupe, qui revient saluer plusieurs fois, avant que les lumières ne se rallument.
Avoir pu écouter l’album « Images and Words », en direct dans son intégralité, était un rêve, qui est devenu réalité, ce 12 février 2017. Petite déception cependant : la tournée s’intitule « Images, Words and Beyond », et le mot « beyond » signifiait pour moi que Dream Theater allait jouer tous les morceaux écrits à l’époque de l’album « Images and Words » sans exception. Voilà pourquoi je regrette que le groupe n’ait pas joué « Don’t Look Past me » et « To Live Forever », en plus de « A Change of Seasons ». Toutefois, ne faisons pas la fine bouche, avec deux heures quarante de concert.
Nous avons retrouvé ce soir un groupe, que je n’avais pas vu aussi libéré depuis bien longtemps. Cette prestation a laissé beaucoup d’espace à chaque musicien ; quel plaisir d’avoir pu écouter un solo de basse et un solo de batterie, ainsi que des parties supplémentaires de guitare et de clavier, insérées dans les morceaux de l’album « Images and Words »! La prestation vocale de James LaBrie a été plus qu’honorable. De plus, le chanteur a pris son temps, pour parler à plusieurs reprises au public, nous montrant ainsi un groupe plus humain, avec un concert beaucoup moins millimétré. Une fois de plus, ce soir, Dream Theater était au zénith de son art, et cela me donne très envie de revenir écouter le groupe en direct. Non, le rêve n’est pas terminé!
Merci pour cette excellente chronique toute en objectivité ! Merci et bravo . Cdt . JC Garcia . PS : je recherche un enregistrement audio du concert je suis prêt bien sur à payer les cds le boulot et l’envois , je ne peut malheureusement pas le faire par moi même je n’ai pas d’ordi et en plus je suis absolument nul pour les manipuler ! Si quelqu’un peut m’en faire une copie je serais aux Anges ! D’avance merci . Bien cordialement . JC Garcia .
Tout Simplement un Très Grand Merci !!