
Your Majesty : Bonjour Hervé, merci d’avoir accepté de répondre à quelques-unes de nos questions. Tout d’abord, pourrais-tu te présenter, je pense que les plus jeunes fans de Dream Theater n’ont au mieux vu ton nom que dans les crédits de CD ?
Hervé Pfeiffer : Graphiste de formation, j’ai été le maquettiste du fanzine de 2001 à 2006, du numéro 32 au 50. Puis j’ai conçu quelques pochettes pour les CD des fanclubs internationaux, puis l’artwork des Official Bootlegs (avec le sceau de cire). À part ça, j’ai joué de la musique dans une autre vie. Je vis aujourd’hui à Glasgow en Écosse.
YM : Quel a été ton premier contact avec Dream Theater ? Comment as-tu découvert le groupe ?
HP : Un de mes cousins (Matthieu Gerbin, chanteur-guitariste du groupe Conscience), qui venait de découvrir le groupe, m’a fait écouter le fraîchement sorti Images & Words (eh oui, ça remonte…) et plus particulièrement ‘Metropolis part I’ et son break instrumental en plein milieu. J’étais sur le cul. Il m’a enregistré les 2 premiers CD sur chaque face d’une cassette, mais I&W étant plus long que 45 minutes, je n’ai connu que les deux premières minutes de ‘Learning to Live’ pendant des mois le temps de pouvoir m’acheter le CD. Imaginez l’émotion la première fois que je l’ai entendu en entier ; un monde nouveau s’ouvrait à moi et ce morceau a toujours eu une place spéciale pour moi.
YM : Comment es-tu arrivé à te retrouver impliqué dans Your Majesty, notamment au niveau de la maquette des fanzines ?
HP : Cela ne faisait qu’un ou deux ans que je m’étais installé à Paris, au détour de concert j’avais pris connaissance du fanclub et en lisant un numéro j’avais vu qu’ils cherchaient un maquettiste pour prendre la suite de Brett Caldas-Lima sur le départ. On est en 2001. Côté professionnel, je cherchais à me faire la main sur InDesign, petit nouveau logiciel de mise en page, mais aucune boîte à Paris ne l’utilisait à l’époque. J’y ai vu une opportunité de pratiquer ce nouveau venu que je voyais très bien anéantir QuarkXPress, le leader dans le domaine (j’avais vu juste !). Le fanzine changeait aussi d’imprimeur (Gilles Lartigot, lui aussi membre du fanclub), et lui aussi pensait que c’était une bonne idée.
YM : Comment es-tu entré dans le graphisme ?
HP : J’ai toujours dessiné et je rêvais de devenir auteur de bandes dessinées ou illustrateur. Un de mes premiers boulots d’été était dans un petit atelier de reprographie ou je me suis rendu compte que la PAO (publication assistée par ordinateur) était sans doute un choix plus rémunérateur.
YM : Quels ont été tes premiers contacts avec les membres du groupe et comment es-tu rentré dans la boucle pour la conception des pochettes des CD du fanclub et des Official Bootlegs ? Comment as-tu réagi ?
HP : Tout s’est passé un peu étrangement. Faisant partie du fanclub, j’ai pu accéder aux aftershows. C’est Sébastien Demay (rédacteur en chef du fanzine à l’époque) qui m’a présenté à Portnoy, Petrucci, Rudess et LaBrie. Je crois que Mike a dit un mot gentil au niveau du nouveau look du fanzine… mais je voulais rencontrer Myung (je jouais de la basse à l’époque) ! Il n’assistait pas trop à ce genre d’événements à l’époque.
Quelque temps plus tard, Séb m’a dit que les fanclubs internationaux voulaient que ce soit moi qui m’occupe du CD annuel (je me demande si ce n’est pas lui qui a poussé ma candidature d’ailleurs !)
C’est encore Séb qui m’a dit que Portnoy était intéressé pour que je m’occupe du design des Official Bootlegs. À partir de ce point, je traitais directement avec Mike (sur la conception du design) et John P. (plutôt sur le côté administratif).
En somme, une succession de coups de bol !
YM : Quels ont été tes échanges avec le groupe concernant le design ? Y a-t-il eu plusieurs moutures des premiers artworks des OB ? Le sceau se trouvant sur les pochettes a-t-il évolué avant le rendu final ?
HP : Il y a eu quelques allers-retours avec Mike sur le design. Il avait une idée très précise de ce qu’il voulait ; mes tentatives de mise en pages plus « modernes » ne passaient pas. Mais les deux choses que j’ai insufflées et qui ont fait l’identité des OB sont le sceau (celui sur les disques est mon premier jet) et l’écriture type feutre, inspiré par Portnoy qui signe toujours au marker et qui écrit toujours en capitales.
YM : Une raison particulière derrière le choix des couleurs derrière les types d’OB (Live, Studio, Covers, Demos) ?
HP : Oh sans doute, mais je ne m’en rappelle pas !
YM : De quel artwork es-tu le plus fier ?
HP : Sans doute les plus gros photomontages. Le fanzine numéro 34 avec les cartes à jouer, bourrés de clin d’œil (et avec la main de ma copine de l’époque !) ; le numéro 36, avec le reflet de la petite fille d’I&W, 10 ans plus tard (repris du CD des fanclubs internationaux Taste the Memories, que j’ai aussi conçu cette année-là). Sinon, le nombre de conneries (easter eggs) que j’ai pu cacher dans les pages du fanzine.

YM : Si tu pouvais retravailler un des artworks, lequel serait-ce ?
HP : La couverture du fanzine 37. J’avais ajouté un sixième doigt aux deux mains de Petrucci, mais comme on ne voit pas le pouce de sa main droite, on ne s’en rend pas vraiment compte. Ça reste tout de même la couv dont on me parle le plus !
YM : Continues-tu à écouter les albums du groupe ? Quels sont ceux que tu ressors le plus régulièrement ?
HP : Oui, j’écoute encore le groupe, même les nouveaux albums. Mais Awake, A Change of Season, Falling into Infinity, Scene From a Memory et Octavarium sont ceux qui ressortent le plus. Je ne pense pas faire partie de ceux qui pensent que le groupe s’est perdu avec le départ de Portnoy (j’appréciais Mangini depuis des années, avec Annihilator, Extreme ou Vai). En toute franchise, je trouve qu’ils ne prennent plus vraiment de risque depuis le départ de Sherinian (qui, pour ceux qui ne le savent pas, avait co-composé la plupart des thèmes musicaux de SFAM, avant même l’arrivée de Rudess). Sherinian avait apporté un côté rock’n’roll qui manquait au groupe. Bon, ça ne veut pas dire que j’adhère à ce qu’il a fait depuis qu’il a quitté le groupe non plus !
YM : Dans le même ordre d’idée, quelles sont tes pochettes d’albums préférées ?
HP : Disons que les artworks des albums de DT ne sont pas forcément toujours subtils. Awake reste sans doute l’un de ceux qui passent le mieux ; SFAM est forcément mythique, et 6 Degrees reste un bel ovni visuel parmi toutes les pochettes (c’est d’ailleurs cette pochette que j’ai déclinée pour le design du site web à l’époque).
YM : As-tu un objet fétiche en relation avec le groupe ? Es-tu collectionneur ?
HP : À part les disques, je n’ai pas vraiment eu d’autres objets. Quelques T-shirts dont un de baseball de la tournée 6 Degrees que j’ai gardé des années, et qui est devenu un T-shirt de nuit quand il a commencé à ne plus être présentable !
YM : As-tu été impliqué dans les rééditions Official Bootlegs qui ont été renommés pour l’occasion en Lost Not Forgotten Archives ? Peux-tu nous dire deux mots à propos de ces rééditions, nous donner ton ressenti ?
HP : Absolument pas. Pour parler du graphisme : le kaléidoscope est amusant visuellement pour un album, mais pas pour une collection ; il va être assez difficile de les distinguer quand on en possédera une dizaine.
YM : Y a-t-il un sujet que je n’aurais pas abordé et dont tu voudrais parler ?
HP : Je voulais évoquer le fanclub. Ces années d’activité, entre le fanzine, les concerts, les pré-écoutes… ces années à partager une passion et à retrouver ces « amis » à chaque événement, c’était une belle époque. Pouvoir rencontrer le groupe (ou boire des bières sans alcool dans la loge de LaBrie en tournée solo, alors que lui tournait à l’eau chaude au miel). Je ne sais pas ce qui a fait tourner la roue (même si je sais combien d’énergie il fallait dépenser pour produire le fanzine). Je suppose que la tombée en désuétude des forums, la montée des réseaux sociaux et la difficulté de trouver des gens pour prendre le relai ont eu raison de cette dynamique. Cependant, je me suis fait des amis à vie dans cette communauté, et même si la distance, le quotidien (et la pandémie) ne facilitent pas les contacts, c’est toujours avec plaisir que je discute ou retrouve ces amis.
Merci à Stéphane Auzilleau d’avoir initié ce fanclub, Sébastien Demay pour les années de collaboration, et Bertrand Croisé pour avoir réussi à maintenir le cap. Et merci aux membres du fanclub qui ont toujours eu les bons mots pour nous encourager et nous remercier du travail que nous faisions.
Your Majesty te remercie pour le temps que tu as consacré à répondre à cette interview et peut-être nous croiserons-nous lors d’un prochain concert.
Merci à toi. On verra bien où l’on se croisera la prochaine fois ; sachant que venir voir le groupe à Paris me coûtera la même chose qu’aller à Londres, il y a de fortes chances qu’on se recroise.
Si vous appréciez les créations de Hervé qui est maintenant graphiste free-lance et que vous avez besoin de ses services, vous pouvez le contacter via son site https://thatfrenchdesigner.com/